CR des Débats stratégiques de l’IHEDN - La France et l’OTAN depuis 1989
Par Isabelle Corbier, présidente du Comité Études et Prospectives
Guillaume Lasconjarias recevait, lundi 10 juin 2024, Olivier Forcade, Benoît d’Aboville et Serge Sur pour leur livre, La France et l’OTAN depuis 1989, publié aux éditions Sorbonne Université Presses. Une réflexion collective née à l’occasion de deux journées d’études à l’automne 2021 réunissant des diplomates, des militaires et des académiques pour répondre à la question : pourquoi l’OTAN ? Un projet qui avait également pour objet d’étudier comment la France avait configuré cette relation avec d’autres Européens et de comprendre les évolutions les plus récentes et les plus saillantes. Noter que la revue Questions internationales a également sorti un numéro spécial en 2022 : « à quoi sert l’OTAN ? »
Comme l’a rappelé Olivier Forcade, l’OTAN est né d’un échec, celui de la mise en place de la sécurité collective prévue et organisée par la Charte des Nations Unies. L’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord s’est ainsi substituée à l’ONU. C’est à l’origine un outil de dissuasion contre un ennemi désigné : l’URSS. Un outil destiné à garder les Soviétiques hors de l’Europe occidentale et les Américains à l’intérieur de celle-ci. Selon Serge Sur en effet, il y aurait un contre-sens fait dans l’analyse de l’affirmation de Clausewitz selon laquelle la guerre serait le prolongement de la politique. Le rôle essentiel d’une armée est avant tout dissuasif : il s’agit avant tout de prévenir la guerre. Sinon on ne sait ni où l’on va, ni comment on en sortira. La négociation est donc absolument nécessaire. Après la chute de l’URSS, l’OTAN aurait pu disparaître. Mais les États-Unis ont alors proposé un élargissement de l’OTAN, principalement justifié par la politique intérieure américaine, comme l’explique Benoît d’Aboville.
L’histoire aide ainsi à comprendre l’intérêt et l’utilité de l’OTAN ainsi que le comportement des différents États. Les Européens ont toujours été demandeurs de sécurité et de paix américaine, ce qui explique la difficulté de voir émerger un véritable pilier de défense européen. Peut-être le moment est-il venu de penser à une défense européenne au sein de l’OTAN, ce que les Américains ont longtemps refusé. Aujourd’hui s’opère un changement stratégique important. Les Américains sont face à deux adversaires : d’un côté, la Russie affaiblie ; de l’autre la Chine dont la force nucléaire augmente régulièrement. Les moyens à mettre en œuvre pour y faire face évoluent : la stratégie européenne est minorée pour les États-Unis. Contrairement à ce que l’on croit, l’article 5 du Traité n’est pas contraignant, mais offre au contraire une grande souplesse, garantie de flexibilité.
La position de la France dans l’Alliance a toujours été particulière. Il ne faut pas s’arrêter à 1966, date de la sortie de l’OTAN, mais penser plutôt une autre chronologie. La position française est fondée sur la question nucléaire : la prise en compte en 1974 à Ottawa du rôle dissuasif propre de la France contribuant ainsi au renforcement global de la dissuasion de l’Alliance est essentiel. Les points de convergence entre la diplomatie et la stratégie française au côté de l’OTAN demeurent. La France participe à la guerre au Kosovo en 1999 et pèse dans l’Alliance lors des accords dits « Berlin plus ». 2003 marque un tournant fort avec le refus du président Jacques Chirac de l’intervention en Irak. Le terrorisme rapproche la France de l’OTAN, sans pour autant soutenir la conception américaine. La réintégration de la France dans le commandement intégré est finalement actée par le président Nicolas Sarkozy en 2009.
Un ouvrage collectif essentiel qui nourrit la réflexion et montre combien l’OTAN évolue et s’adapte au gré de la volonté des Alliés. Passé et présent se rejoignent autour de la question de l’Ukraine aujourd’hui et de l’inquiétude face à la politique que pourrait vouloir mener Donald Trump s’il venait à être réélu président des États-Unis en novembre prochain.
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