ARTICLES sur l'Europe de la Défense par F. Mauro (AA58) et O. Jehin
Ces éclairages font partie d’une série de 5 textes rédigés par Frédéric Mauro (AA58) et Olivier Jehin, sur le concept d’armée européenne. Ces textes traduisent l’opinion de leurs auteurs mais ne reflètent pas nécessairement la position du GRIP. Le GRIP a décidé de les diffuser, avec l’IRIS, en tant que contribution constructive au débat nécessaire sur l’avenir d’une défense européenne commune.
Une armée européenne sous quelle forme ?
(5/5)
Les termes « armée européenne » suscitent immanquablement des images de soldats sous le même uniforme et sous la même bannière. En réalité, une « armée » est bien plus qu’un ensemble de soldats. C’est tout ce qui permet à ces soldats d’agir, à savoir : un budget conséquent, des ordres clairs, des équipements efficaces et une organisation industrielle et technologique capable de les fabriquer. C’est tout cela à la fois qu’il faudra réunir si l’on veut donner corps au rêve d’une armée européenne.
À la naissance d’une armée ou d’une alliance, il faut s’accorder sur deux points : des objectifs de défense clairement définis, ce que l’on appelle communément Livre blanc ou concept stratégique et, dans la foulée, un plan de construction de l’outil de défense jugé nécessaire pour atteindre ces objectifs, ce que l’on appelle la planification de défense.
C’est la raison pour laquelle la première chose à faire dans la perspective de la création d’une armée européenne serait que les États de l’Union ou, à défaut, ceux parmi eux qui constitueraient un Eurogroupe de défense (voir tribunes « Une armée européenne dans quel cadre ? » et « Une armée européenne avec qui ? ») s’accordent sur un document de référence explicitant les objectifs poursuivis. Pour tenir compte de l’évolution du contexte stratégique et des missions qui en découlent, ce document devra être révisable dans le temps. Mais surtout il devra être crédible et refléter une réelle volonté de réaliser l’ambition affichée.
Il ne devrait pas s’agir d’une « stratégie globale » et encore moins d’un document volumineux à l’instar des Livres blancs français et britanniques. Ce type de document présente l’inconvénient de longues négociations qui pour contenter tout le monde conduiraient inévitablement à diluer les priorités et à rester flou quant aux moyens à mettre en œuvre. Il serait plus efficace de viser un « concept stratégique » d’une dizaine de pages, à l’image de celui de l’OTAN, renouvelable chaque fois que le besoin s’en fait sentir.
Si cette étape cruciale est franchie, il faudra ensuite amender le processus de planification de défense européen afin de le rendre efficace, ce qui est loin d’être le cas actuellement. De ce point de vue, la question la plus épineuse à résoudre est celle de la coexistence d’un tel processus de planification avec celui de l’OTAN.
En effet, la raison pour laquelle les États membres se satisfont d’un processus défaillant tient au fait qu’ils ne veulent surtout pas d’une troisième « liste de commissions » en plus de leur liste nationale et de celle de l’OTAN. C’est pourquoi, sans clarification préalable de la relation entre la défense européenne et l’Alliance atlantique, toute tentative d’amélioration serait vouée à l’échec.
Il s’agit d’abord pour les Européens de savoir s’ils veulent faire quelque chose en dehors de l’Alliance, mais parfaitement compatible avec cette dernière – recentrée sur sa mission première de défense collective euro-atlantique – en développant une véritable capacité autonome de gestion des crises en dehors du territoire de l’Union.
En complément, ces mêmes Européens devront faire le choix, ou non, d’assumer, de façon intégrée, leur défense commune, en offrant un pilier européen à la défense collective de l’Alliance atlantique. Si tel est leur choix, la question de l’extension de la garantie nucléaire française à l’ensemble des membres de l’Eurogroupe de défense se posera. Une telle clarification effectuée, tout redevient possible.
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Source de l’article: Groupe de Recherche et d’Information sur la Paix et la sécurité (GRIP)
13 février 2019
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Une armée européenne avec qui ?
(4/5)
La constitution d’une armée européenne intégrée et capable d’agir de façon autonome impose de répondre à la question de savoir « avec qui » ? Quels États européens en seraient les fondateurs ?
Pour répondre à cette question, en s’éloignant des circonstances politiques qui sont susceptibles de changer à tout moment, posons le postulat qu’il existe dans toute construction institutionnelle complexe – c’est-à-dire formée d’entités inégales, qu’il s’agisse d’une simple copropriété, d’un État fédéral ou de l’Union européenne – un triangle d’incompatibilité entre les principes d’unité, d’efficacité et d’unanimité : on ne peut satisfaire que deux de ces principes à la fois. Si l’on admet ce postulat, trois types d’architecture sont envisageables.
L’architecture « inclusive » permet d’atteindre l’unité tout en,préservant l’unanimité, c’est-à-dire le caractère souverain des États faisant partie de l’ensemble considéré. Le prix à payer en est une plus ou moins grande inefficacité.
Le concept d’« avant-garde » vise au contraire à atteindre l’efficacité tout en préservant l’unanimité dans la prise de décision, mais au détriment de l’unité du groupe : seul un nombre restreint de participants sont admis, ou à tout le moins ceux qui le veulent et qui le peuvent. Cette voie, historiquement datée, n’a jamais rien produit de tangible dans le domaine de la défense et semble désormais impraticable.
C’est pourquoi il nous faut aujourd’hui considérer la seule architecture qui n’a jamais été tentée en matière de défense, alors même qu’elle a fait ses preuves dans d’autres domaines, en particulier celui de la politique monétaire, et qui permet de préserver l’unité sans renoncer à l’efficacité. C’est celle d’un Eurogroupe de défense dans lequel les décisions seraient prises à la majorité qualifiée.
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Source de l’article: Groupe de Recherche et d’Information sur la Paix et la sécurité (GRIP)
11 février 2019
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Une armée européenne dans quel cadre ?
(3/5)
La défense européenne, telle qu’envisagée dans le Traité sur l’Union européenne (TUE), est affectée de nombreuses limitations destinées à ne pas la voir empiéter sur la défense collective instaurée dans le cadre de l’OTAN et à la cantonner dans le domaine intergouvernemental afin de préserver le pouvoir de décision des États membres.
Parmi ces limitations, les plus importantes sont : la subordination de cette défense européenne, la « politique de sécurité et de défense commune » (PSDC), à la politique étrangère, la « politique étrangère et de sécurité commune » (PESC) ; l’absence d’institution susceptible de l’incarner de façon spécifique, par exemple un haut représentant pour la défense ; la limitation de son champ à la gestion de crises extérieures par des missions ou opérations militaires types déterminées à l’avance par le traité ; la règle de l’unanimité et l’impossibilité de financer des opérations militaires au travers du budget européen.
Dans ces conditions, la création d’une « armée européenne » au service d’une « défense commune » supposerait de modifier les traités, ou si cela s’avérait impossible, de s’en exonérer par des accords distincts. En fonction de ce que les États parties pourraient souhaiter, trois voies nous semblent envisageables.
LA RÉVISION A MINIMA DU TRAITÉ DE L’UNION EUROPÉENNE
Dans une perspective de réforme réduite visant à supprimer les verrous les plus importants, deux modifications pourraient être proposées.
La première modification devrait permettre le vote à la majorité qualifiée dans tous les domaines de la politique étrangère et de sécurité commune (titre V du TUE), y compris la PSDC.
Cela pourrait se faire de deux façons. La plus simple serait d’utiliser ce qu’il est convenu d’appeler la « clause passerelle » de l’article 48.7 du TUE. Cet article prévoit en effet que : « Lorsque le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ou le titre V du présent traité prévoit que le Conseil statue à l’unanimité dans un domaine ou dans un cas déterminé, le Conseil européen peut adopter une décision autorisant le Conseil à statuer à la majorité qualifiée dans ce domaine ou dans ce cas. Le présent alinéa ne s’applique pas aux décisions ayant des implications militaires ou dans le domaine de la défense. »
La limitation posée par la dernière phrase de cet alinéa pose une exception, qui reprend mot pour mot la limitation posée par l’article 41.2. quant au financement des dépenses opérationnelles et, comme toutes les exceptions, doit être interprétée strictement. Il ne peut s’agir en effet de la totalité des dispositions relatives à la PSDC, mais seulement de celles ayant trait à des opérations extérieures (les dépenses opérationnelles résultant de décisions ayant des implications militaires) ou se traduisant par un soutien à des partenaires extérieurs en termes d’équipement ou de formation (les décisions dans le domaine de la défense). On peut imaginer par exemple d’appliquer cette clause passerelle aux décisions d’orientation prises dans le cadre de la coopération structurée permanente.
Quoiqu’il en en soit, le passage à la majorité, requérant d’être adopté à l’unanimité, il est peu probable que cette voie soit praticable dans la situation actuelle où de nombreux États membres ne veulent pas aller vers davantage d’intégration.
Si l’on veut que les décisions en matière de PSDC se prennent à la majorité qualifiée, la seule voie praticable serait donc de passer par une révision normale des traités, telle que prévue par l’article 48. Cela supposerait de réunir une conférence intergouvernementale voire une convention, afin de modifier le traité.
Là encore, il est fort peu probable que les États membres soient unanimement d’accord pour que les décisions en matière de PSDC soient prises à la majorité.
De la même façon qu’il semble totalement exclu au stade où nous en sommes de la construction européenne qu’ils se déclarent unanimement prêts à passer de la PSDC à la « défense commune » comme le prévoit l’article 42. 2. du TUE.
La seconde modification souhaitable a minima serait d’en finir une fois pour toutes avec l’article 41 du TUE. Cet article pose le principe que les dépenses en matière de politique de sécurité et de défense commune sont à la charge du budget de l’Union, à l’exception des « dépenses opérationnelles (…) afférentes à des opérations ayant des implications militaires ou dans le domaine de la défense et des cas où le Conseil en décide autrement à
l’unanimité ». Toutefois, il a fait l’objet de plusieurs interprétations extensives, consistant notamment à dire qu’il interdirait toute dépense militaire par l’Union européenne, ce qui est manifestement excessif et erroné. Pour lever cet obstacle, il y a lieu de le remplacer par : « Les dépenses entraînées par la mise en œuvre du présent chapitre sont à la charge du budget de l’Union. »
Une telle révision ne pourrait se faire que dans le cadre d’une révision normale du traité prévue par l’article 48. 1. à 5. du TUE.
UNE RÉFORME D’ENSEMBLE DES DEUX TRAITÉS EUROPÉENS
Si les États membres souhaitaient progresser tous ensemble vers une intégration plus grande en matière de défense en accordant à l’Union des compétences plus larges en la matière, il faudrait commencer par réviser l’article 4. 2. du TUE qui prévoit que « la sécurité nationale reste de la seule responsabilité de chaque État membre ». Dans cette perspective, il faudrait au minimum remplacer l’adjectif qualificatif « nationale » par celui de « intérieure ». Cette position de principe adoptée, toutes sortes de modifications sont envisageables, dont certaines sont évoquées depuis fort longtemps.
La première serait d’en finir avec la subordination de la PSDC à la PESC en mettant en place un « ministre » européen de la défense susceptible d’incarner la défense européenne, d’en exécuter les décisions et d’en porter la responsabilité.
Nulle part au monde, la défense est placée sous la responsabilité de la diplomatie. Ce sont deux bras bien distincts de l’action extérieure, de la même façon que le sont l’aide au développement et la politique commerciale qui elles aussi demeurent autonomes et ne sont pas placées sous la responsabilité de la diplomatie européenne.
En outre, l’expérience d’une dizaine d’années a montré que le cumul des compétences en matière de diplomatie et de défense était bien trop lourd pour être attribué à une seule personne, en l’occurrence le Haut représentant pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité/vice-président de la Commission européenne (HR/VP).
La création d’un « ministre européen » ou Haut représentant chargé de la défense et lasécurité devrait logiquement entrainer la scission du Service européen pour l’action extérieure, dont seulement 23 % des personnels de ce service s’occupent des questions de défense.
Toute la question évidemment serait de savoir à qui rattacher ce « ministre » : au Conseil, à la Commission, ou bien aux deux à la fois selon le modèle du Haut représentant/viceprésident (HR/VP) qui a été mis en place par le traité de Lisbonne.
Dix ans après la mise en place de l’institution HR/VP, cette architecture mi-chèvre mi-chou est loin d’avoir prouvé son efficacité. Aux problèmes liés au recrutement des personnels s’ajoutent les limites des traités et les petits jeux diplomatiques des États membres.
Il serait sans doute préférable de rattacher la nouvelle institution chargée de la défense, ainsi que celle chargée de la politique extérieure auprès de la seule Commission, afin d’autoriser leur contrôle par le Parlement européen et de favoriser la prise de décision dans l’intérêt général européen.
Une seconde modification des traités qui pourrait être envisagée dans le cadre d’une réforme ambitieuse serait l’intégration de tous les instruments de financement de la défense dans un chapitre spécifique du budget de l’Union, afin d’identifier clairement la part du budget consacrée à la défense et de permettre un contrôle parlementaire des dépenses ainsi qu’un contrôle par la Cour des comptes européenne. Ce chapitre pourrait dans un premier temps regrouper les financements en cours de négociation du Fonds européen de défense (FED) et de la facilité européenne pour la paix.
Une telle modification devrait logiquement conduire à faire de la défense une politique à part entière de l’Union et à la faire passer du TUE dans le Traité sur le Fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) avec toutes les conséquences qui s’y rattachent, en particulier en termes de processus décisionnel (majorité qualifiée, comitologie). Mais elle pourrait aussi rester dans le cadre du TUE, avec la mise en place d’un budget propre, comme c’est le cas actuellement pour la PESC/PSDC. La question du FED devrait être alors réexaminée : soit il resterait dans le TFUE avec une base légale orientée sur la politique industrielle, soit il pourrait être intégré dans le TUE en modifiant sa base légale et en lui donnant clairement une finalité orientée vers le développement et l’acquisition de capacités de défense.
Enfin, toujours dans le cadre d’une réforme ambitieuse des traités, il serait souhaitable de considérer la possibilité pour l’Union d’acquérir en propre des capacités militaires, à l’instar de ce qui a été fait dans le domaine spatial avec la constellation de satellites Galileo. Ces capacités devraient être concentrées sur les infrastructures les plus onéreuses, telles que les réseaux de commandement et de contrôle, les radars fixes ou bien ce qu’il est convenu d’appeler dans le domaine militaire les démultiplicateurs de forces (‘enablers’) qui sont indispensables au succès des opérations de combat. Il pourrait s’agir par exemple d’avions de guet aérien, comme c’est le cas à l’OTAN, de ravitailleurs multirôles ou encore de navires multifonctions comme les bâtiments de projection et de commandement (BPC).
Il va de soi qu’une réforme de cette ampleur passerait inévitablement par la convocation d’une conférence intergouvernementale, selon la procédure prévue à l’article 48 TUE, et qu’elle n’a dès lors que peu de chance d’aboutir.
UN ACCORD SPÉCIFIQUE EN MARGE DES TRAITÉS EUROPÉENS
La révision des traités, même dans une version a minima, semble a priori très difficile depuis l’élargissement. Dans une version plus ambitieuse, une révision nécessiterait la réunion d’une convention telle que celle qui avait été mise en place pour l’élaboration du traité établissant une Constitution pour l’Europe, ce qui semble irréaliste dans la conjoncture actuelle. Dans tous les cas, une révision exigerait en effet l’unanimité des vingt-sept et une telle unanimité semble inaccessible, de nombreux États membres refusant encore à ce stade de s’engager dans une défense européenne intégrée et autonome.
C’est pourquoi, en l’absence d’accord sur une révision des traités, la seule solution serait de conclure un traité spécifique regroupant un groupe d’États européens désireux d’avancer dans la voie d’une défense européenne commune : un Eurogroupe de défense.
Par ce traité, les parties signataires s’engageraient à constituer un outil militaire commun au service de leur défense commune et à contribuer, le cas échéant, au moyen de cet outil aux opérations de l’Union européenne, notamment au titre de l’article 44 TUE (missions conduites par un groupe d’États membres au nom de l’UE).
À cette fin, le traité devrait au minimum prévoir un budget commun et l’utilisation, la plus large possible, de décisions prises sur le mode majoritaire.
Tous les États membres de l’Union européenne qui n’auraient pas souscrit d’emblée à ce traité demeureront en mesure de le faire à leur rythme, sur le modèle de l’Eurozone, cet accord ayant pour finalité ultime d’être agrégé aux traités européens.
L’armée européenne constituée dans le cadre d’un tel Eurogroupe de défense n’aura pas exactement les mêmes missions que celle qui aurait été constituée avec tous les États de l’Union à l’issue d’une révision des traités. Elle pourra néanmoins en être le précurseur. Reste à savoir avec qui ? Et surtout avec quel contenu ?
Auteurs
Frédéric Mauro est chercheur associé au GRIP et avocat au barreau de Paris et au barreau de Bruxelles, spécialisé dans les questions de stratégie et de défense européenne, ainsi que celles relatives à l’équipement des forces armées.
Olivier Jehin est journaliste indépendant, collaborateur du blog Bruxelles 2 (B2).
Source site de l’article : Groupe de Recherche et d’Information sur la Paix et la sécurité (GRIP)
Février 2019
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Une armée européenne pour faire quoi ?
(2/5)
La question de savoir à quoi servirait une armée européenne est fondamentale au sens propre du terme, c’est-à-dire qu’elle vient en premier.
C’est une question qui se pose aux États européens depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et qui n’a jamais reçu de réponse satisfaisante, parce que ces États sont en profond désaccord sur les objectifs qu’il faudrait assigner à cette armée européenne.
Pourtant, répondre à cette question est indispensable, car construire un outil militaire est long et onéreux, et dépend entièrement de la finalité qu’on lui assigne.
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Source site de l’article : Groupe de Recherche et d’Information sur la Paix et la sécurité (GRIP)
31 Janvier 2019
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Pourquoi nous faut-il une armée européenne ?
(1/5)
À l’origine de l’action, il y a l’inspiration. Quelle est donc l’inspiration qui a poussé en novembre 2018 le président de la République française et la chancelière allemande à proclamer de concert la nécessité d’une armée européenne, puis le chef du gouvernement espagnol à les rejoindre quelques semaines plus tard ? Ont-ils tous subitement perdu la raison ? Ne s’agit-il que d’une vaine utopie, d’un leurre pour détourner l’attention des réalités du moment ou bien d’un projet certes difficile dans sa réalisation mais nécessaire dans sa finalité ?
Comme souvent les premiers à réagir ont été les conformistes et les eurosceptiques. Jamais avares en sarcasmes, ils ont aligné les contre-vérités historiques. La plus mensongère est celle selon laquelle il ne saurait y avoir d’armée européenne en l’absence d’une nation européenne ou d’une « identité européenne ». L’histoire montre au contraire que c’est quasiment toujours l’armée et la guerre qui ont forgé les nations. Des nations qui elles-mêmes ne sont pas immuables : comme les identités, elles se construisent et évoluent dans le temps et le rapport aux autres.
La vérité est autre : l’idée d’une armée européenne fait peur. Synonyme d’autonomie, elle agace Donald Trump et une partie des Américains. Et parce qu’elle implique l’intégration, elle tétanise à l’intérieur de l’Union tous ceux qui croient pouvoir construire la défense européenne sans s’intégrer. C’est particulièrement vrai en France où nombreux sont ceux qui s’accrochent à la grande illusion d’une nation exemplaire qui pourrait s’en sortir seule, moyennant quelques coopérations ponctuelles.
À première vue pourtant, l’idée d’armée européenne est populaire. Selon l’eurobaromètre, les Européens sont en moyenne 75 % à plébisciter la politique de sécurité et de défense commune (PSDC), sorte de proto-armée européenne.
En 2007, ils étaient même 79 % à vouloir que cette PSDC soit davantage « autonome » des Américains. Il est dommage que la question n’ait pas été reposée depuis alors même que le concept d’autonomie stratégique fait florès[1]. Pour ce qui est des Français, si l’on en croit l’un des rares sondages[2], 80 % d’entre eux seraient favorables à la création d’une « armée européenne ». Il y a peut-être à cela une raison simple qui tient au fait que les mots « armée européenne » sont compréhensibles par tous les citoyens dans tous les pays, contrairement aux acronymes de la défense européenne qui forment un langage abscons intelligible des seuls initiés.
Alors avant de condamner l’idée au prétexte que sa mise en œuvre serait impossible, interrogeons-nous sur le fait de savoir si elle serait souhaitable ? Quelles sont les raisons qui n’existaient pas auparavant et qui justifieraient aujourd’hui une armée européenne ?
Cette armée européenne ne saurait être une super brigade franco-allemande ou d’une autre collection d’objets de vitrine, aussi concrets qu’inutiles, voués à encombrer les étagères de l’histoire. Elle ne peut se comprendre que comme une capacité autonome et intégrée d’action dans le domaine militaire, qui renouerait ainsi le fil tressé par la déclaration de Saint-Malo en 1998.
LES NATIONS EUROPÉENNES NE SONT PLUS CAPABLES DE SE DÉFENDRE SEULES.
Augmentation des coûts, diminution des ressources, dispersion des efforts, ces trois tendances de long terme se conjuguent pour expliquer l’impuissance des nations européennes à se défendre seules de façon efficace au XXIesiècle. Conscientes de cette situation, alors même que depuis 2014 les menaces s’accroissent, les nations européennes ont fait ce que font toutes les nations faibles : elles ont retrouvé les vertus d’une alliance. L’ennui c’est que l’OTAN a cessé d’être une alliance et est devenu un protectorat.
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Source site de l’article : Groupe de Recherche et d’Information sur la Paix et la sécurité (GRIP)
31 Janvier 2019
Auteurs
Frédéric Mauro (AA58) est chercheur associé au GRIP et avocat au barreau de Paris et au barreau de Bruxelles, spécialisé dans les questions de stratégie et de défense européenne, ainsi que celles relatives à l’équipement des forces armées.
Olivier Jehin est journaliste indépendant, collaborateur du blog Bruxelles 2 (B2).
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