ARTICLE : La défense des principes républicains par Y. Jeanclos (AA43)
LA DEFENSE DES PRINCIPES REPUBLICAINS
A TRAVERS
LA LUTTE CONTRE LE SEPARATISME, L’EXTREMISME ET LE TERRORISME
Des mots- chocs, des mots-repoussoir : séparatisme, extrémisme, terrorisme.
Des mots doux, des mots rassurants: les principes républicains.
A force de dissimuler des objectifs tactiques de contrôle politique et social sous des objectifs stratégiques de sécurité globale, l’Exécutif et le Législatif génèrent plus d’hostilité que de sécurité.
A observer la déferlante pénale qui inonde la France depuis 2018, les citoyens prennent peur, au lieu d’être rassurés par la protection apportée par l’Etat contre les risques sociaux, sanitaires et terroristes. A analyser le projet de loi « confortant les principes républicains », ils s’interrogent sur l’efficacité de la lutte juridique contre les dangers d’origine religieuse, idéologique et politique.
I. La déferlante pénale, un objectif de protection citoyenne et de répression pénale.
4 textes de 2018 (2 circulaires : ND des landes, Gilets jaunes) et 2020 (2 Ordonnances sur la justice pénale) permettent à l’Etat d’agir en faisant en partie fi des règles de procédure et de droit applicables en matière de police et justice, au nom de l’urgence sociale ou sanitaire- dont «(la) protection de la santé », principe constitutionnel reconnu (CC, 9 Juillet 2020).
2 Décrets du 2 Décembre 2020 exigent l’insertion de données médicales et comportementales dans deux fichiers, au service de la police et de la justice- PASP, GIPASP, renforçant le contrôle de la population et suscitant la crainte d’une réduction des libertés publiques.
Dans le projet de loi, l’Exécutif se focalise sur ‘’les principes républicains », rejetant l’idéologie anti- séparatiste, en cohérence avec le caractère « indivisible » de la République (Constitution,art.1). L’Etat s’efforce avant tout de lutter contre des menaces d’origine idéologique, religieuse et politique (présentation de la loi par le 1er Ministre, 9 Décembre 2020). Il rejoint la lutte contre l’extrémisme à la russe réprimant « l’incitation à la haine ou à l’hostilité voire l’atteinte à la dignité humaine … en raison de son sexe, de sa race, de sa nationalité, de sa langue, de son origine, de son rapport à la religion », et même « de son appartenance à n’importe quel groupe social » (CP Russie, 282).
Au nom des principes républicains apparents d’égalité et de laïcité mais possiblement au détriment des principes fondamentaux de liberté et de fraternité, le législateur, inspiré par l’Exécutif, met en musique une gamme d’infractions de nouvelle génération et de procédures, toutes de rapidité et d’efficacité judiciaire, en contradiction vraisemblable avec les exigences du procès équitable ( Convention européenne des Droits de l’Homme, article 6).
II. Les moyens juridiques de lutte contre le séparatisme et l’extrémisme.
Le législateur crée une nouvelle infraction fondée sur « l’intimidation », terminologie d’approche comportementale et psychologique et fort peu juridique (article 4). Il crée un espace d’interprétation possiblement attentatoire aux libertés publiques d’expression et d’aller et venir, contraires à la DDHC de 1789. Il instaure cette infraction pour mieux protéger les personnes dépositaires de l’autorité publique contre tout dénigrement ou insultes susceptibles de leur faire craindre des violences (Code Pénal, 222-13- 4°).
A l’article 18, il réagit à l’assassinat exécuté avec barbarie d’un professeur de lycée. Il lutte contre tout « risque immédiat d’atteinte à la vie ou à l’intégrité physique ou psychique », dans un nouvel article 223-1-1 du Code Pénal, prolongeant les articles 223-1 et 226-1. La loi condamne à 3 ans d’emprisonnement et à € 45 000 toute personne s’ingéniant à « révéler, diffuser ou transmettre » par tout moyen dont la messagerie électronique « des informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle » d’une personne, facilitant son identification et sa désignation à la vindicte privée. Il précise aggrave la peine à 5 ans et € 75 000 lorsque la victime est une personne dépositaire de l’autorité publique, manifestant une inégalité de traitement voire une discrimination inadmissible entre les citoyens français.
Pour lutter contre le séparatisme, un contrôle strict des associations cultuelles est mis en place pour leur fonctionnement et leur financement, conduisant même à une modification du statut cultuel alsacien- mosellan. Le législateur redoute d’une part le prosélytisme religieux, idéologique voire politique et d’autre part l’entrisme d’Etats étrangers, susceptibles de susciter et de soutenir des mouvements séparatistes fondés sur un extrémisme religieux, politique, voire terroriste.
Dans le domaine sportif, la loi modifie le Code du sport en rappelant le respect de « l’engagement républicain » par toute association, i.e. les principes d’égalité, de neutralité et de laïcité, pour éviter tout prosélytisme extrémiste. Il assène l’obligation de respect de la dignité humaine en « veill(ant) à la protection de l’intégrité physique et morale » de ses membres, plus pour lutter contre la pédocriminalité dans les clubs sportifs que contre le séparatisme.
En lisière de l’objectif de sécurité nationale, le projet de loi milite en faveur d’une orthodoxie civile et civique opposée à des pratiques cultuelles et juridiques dangereuses pour l’unité nationale. Les articles 21 à 24 imposent une instruction obligatoire et contrôlée pour tous les enfants de l’âge de 3 à 16 ans, pour « l’acquisition progressive du socle commun » (Code Education, L.442-2-I). Un article prône l’égalité entre héritiers réservataires, pour empêcher des partages fondés sur des traditions religieuses non républicaines. Un autre article se préoccupe de la pension de réversion face à des époux successifs, pour écarter des règles contraires au droit civil. L’article 17 exige de l’officier d’état civil célébrant un mariage de vérifier l’effectivité des consentements, pour éviter les mariages dits blancs et lutter contre l’immigration clandestine (Code civil, 63). D’autres articles rappellent l’interdiction de la polygamie importée, condamnée depuis longtemps par le Code civil (147). L’article 16 défend la dignité humaine et la libre disposition du corps, en interdisant la délivrance de certificats médicaux de virginité exigés par des pratiques cultuelles séparatistes (Code Santé publique, L.1110-2-1).
Observation terminale.
Face aux annonces de l’Exécutif, le « projet de loi confortant les principes républicains » manque de rigueur. Il s’éparpille dans différents champs juridiques- civil, pénal, d’association, des cultes, de la famille, médical, du sport. Il se focalise avec raison sur les associations cultuelles suspectées de non- démocratisme et de séparatisme, pour garantir la liberté de culte et le respect de la République, dans la tradition du Concordat (1801) et de la loi de 1905. Il manque cependant de structuration pour imposer les principes républicains, indispensables outils d’unification de la nation française, pour lutter contre le séparatisme culturel, religieux ou juridique, voire l’extrémisme susceptible de porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation (CP, 410-1).
Cette loi à venir, comme sa sœur jumelle sur la sécurité globale, gagnerait en crédibilité et efficacité, si elle répondait à son objectif de protection et de défense des citoyens et de l’ordre public républicain, en évitant de porter atteinte aux libertés publiques.
Yves JEANCLOS,
Professeur agrégé de Droit, émérite,
‘’Les 7 principes du droit pénal’’, 2021, 3e ed.
Article publié sur le site Huffingtonpost.fr le 22 décembre 2020
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