UED - Discours d'ouverture de Florence Parly, ministre des Armées
Madame la ministre, chère Ursula,Mesdames et messieurs,chers amis,
L’université d’été de la défense est un moment précieux. Un moment rare, où toute notre communauté de défense se retrouve autour de défis communs, d’ambitions communes. Se retrouve autour d’une volonté partagée : préparer des Armées modernes.
Et des Armées modernes, ce sont des Armées qui laissent leur place à la jeunesse et à l’innovation. Mais ce sont aussi, et c’est précisément ce dont je veux vous parler ce soir, des Armées qui tendent pleinement la main à l’Europe.
Car, l’Europe de la défense, aujourd’hui, c’est un impératif.
Ce mot, je ne le prononce pas par idéologie ou par foi. Ce serait bien mal me connaître. L’Europe de la défense est un impératif : je le dis par pragmatisme, par réalisme, j’ai envie de dire, presque par constat.
Ecoutons le Président des Etats-Unis, ou lisons ses tweets – je ne suis pas sectaire – sur les thèmes de l’Europe, de l’OTAN, sur la sécurité transatlantique.
Ils indiquent tous, une chose très claire : nous ne pourrons pas nous abriter éternellement derrière le paravent américain.
Entendons-nous bien. Les Etats-Unis, dont je salue deux représentants du Congrès présents ici ce soir, sont nos alliés et amis, et notre préférence sera toujours de coopérer avec eux contre les menaces auxquelles nous faisons face, ensemble. Et l’Alliance atlantique reste et restera le pilier de la sécurité transatlantique.
Mais le doute est aujourd’hui permis : les Etats-Unis seront-ils toujours à nos côtés, en tous lieux et en toutes circonstances ? Ne faut-il pas que l’Europe se réveille et assume davantage ses responsabilités, en matière de défense et de sécurité ?
Comme tous, j’aimerais croire qu’il ne s’agit que d’un moment précis, presque d’un mauvais alignement des planètes. Mais j’ai bien peur que si nous faisons ce pari, une douche froide nous attende. Un mouvement s’enclenche, peut-être inexorable qui ne dépend ni d’un chef d’Etat, ni du résultat d’une élection.
Alors depuis des années, nous nous entendons pour dire que l’Europe de la défense est nécessaire. Pourtant, nous nous sommes bien longtemps contentés de la voir avancer à tous petits pas, légers, presque imperceptibles.
Mais l’histoire n’a pas dit son dernier mot. Les circonstances politiques et militaires changent, parfois très vite. Et si, demain, l’Europe se retrouvait seule, de quoi serait-elle capable ? C’est notre responsabilité aujourd’hui de nous poser cette question.
Menaces plus vives, stratégies agressives d’Etats puissances, partenaires moins fiables, affaissement du multilatéralisme : la prise de conscience des risques et de l’incertitude de notre environnement stratégique progresse en Europe.
Mais notre réponse collective est-elle pour autant, dans les faits, à la hauteur ?
Depuis un an, nous avons progressé, renforcé nos partenariats et nous nous sommes rassemblées autour de projets concrets.
Nous avons lancé et soutenons le Fonds européen de défense, dont le budget devrait considérablement augmenter pour soutenir l’effort de recherche et les développements capacitaires européens.
Nous avons porté une Coopération structurée permanente ambitieuse, la CSP. D’habitude, je me méfie de ce genre d’acronymes. Mais ici, la liste des projets CSP est impressionnante et leur mise en œuvre marque une ambition nouvelle pour l’Europe.
Nous avons lancé avec l’Allemagne et sept autres Etats européens capables militairement et volontaires politiquement, une Initiative européenne d’intervention, qui va développer, sur le long terme, une culture stratégique commune européenne et favoriser les déploiements communs.
Et si je ne les ai pas encore évoquées, chère Ursula, je n’oublie pas les accords historiques que nous avons conclus, France et Allemagne.
Je peux le dire sans exagérer, nos deux Etats ont atteint un niveau de coopération inégalé en Europe. Nous déployons nos forces ensemble et au sein de la Brigade franco-allemande, des soldats allemands servent au Mali aux côtés de leurs frères d’armes français. Nous créerons demain à Evreux une unité binationale, dans le domaine critique du transport tactique.
Notre partenariat n’est pas éphémère. Il s’inscrit dans le temps long. Nos deux Nations ont ainsi décidé de s’unir, pour mettre leurs forces, leurs tissus industriels et leurs savoir-faire en commun, pour bâtir le système de combat aérien du futur et le char de combat du futur. Ce sont autant de projets structurants, d’ententes historiques mais aussi de projets ouverts vers les autres Etats européens.
Notre partenariat est riche, large, divers. Il l’est tant que nous sommes en train de rédiger un nouveau Traité de l’Elysée, qui actera notamment l’ambition d’un rapprochement de nos cultures stratégiques en matière de défense, de sécurité et de renseignement.
La France et l’Allemagne se sont engagées, ensemble, pour la CSP, pour l’IEI, pour le Fonds européen de défense. Nous sommes côte à côte face à tous les défis. Alors, à côté de toi, Ursula, je le demande : et si on allait plus loin ?
Nous pouvons le faire, nous devons le faire. C’est notre responsabilité de faire de l’autonomie stratégique une réalité. Mais nous devons aussi ensemble préparer la suite. Nous devons encore nous renforcer, nous endurcir, nous organiser : nous avons peu de temps pour transformer l’essai d’une Europe de la défense qui prend enfin forme, d’un Europe véritablement capable de protéger ses citoyens.
Entamons donc, comme nous y a appelé le Président de la République la semaine dernière, une véritable réflexion sur l’Europe et sa place dans notre sécurité. Menons un travail sur la solidarité européenne et l’article 42.7 dans toutes ses dimensions. Relançons la réflexion sur l’architecture européenne de sécurité. C’est à l’Europe de le faire : pas à des tiers !
Ensuite, relevons le défi de nos capacités et de nos opérations.
Le défi des équipements, c’est assurer la pleine autonomie de nos équipements. Construire une autonomie stratégique ne peut pas signifier se reposer constamment sur d’autres. Les projets que nous portons ensemble – et au sens large toutes les initiatives européennes – doivent renforcer notre autonomie opérationnelle, industrielle et politique.
Autre défi pour l’Europe de la défense : celui de coopérations souples, adaptables, pragmatiques. Ce sont de tels partenariats qui nous permettront de renforcer nos capacités d’action, notamment dans le domaine opérationnel, avec moins de lourdeur que dans le cadre institutionnel européen. Evitons les débats théoriques, multiplions les initiatives pratiques. Nous devons accroître nos capacités et développer notre coopération opérationnelle avec un double souci d’efficacité et d’impact dans le monde réel, dans le respect bien entendu de nos contraintes politiques et militaires. Je pense ici à l’Initiative Européenne d’Intervention. C’est un véritable modèle, qui permet d’agir dans tous les formats – y compris mais pas seulement celui d’une opération de l’UE - et d’éviter des blocages au grès des résultats électoraux.
Enfin, et c’est, je crois, l’indispensable prémisse à notre succès collectif, un enjeu clé sera de lutter contre la division des Européens. Certains sont tétanisés par la perspective d’un désengagement américain. Beaucoup de partenaires européens sont encore des passagers clandestins de la sécurité transatlantique, laissant à d’autres la charge d’investir et d’intervenir pour contrer les menaces ; d’autres, marqués par l’Histoire, estiment que seuls les Etats-Unis leur apporteront une garantie de sécurité crédible et pensent, à tort, que les progrès de l’Europe de la défense et de l’autonomie stratégique européenne nuiraient à cette garantie de sécurité. C’est évidemment faux : nous prendre en main ne veut pas dire tourner le dos à nos Alliés. C’est au contraire être des partenaires plus fiables, notamment au sein de l’OTAN et vis-à-vis de nos Alliés transatlantiques.
Certains voudront tout faire pour éviter l’inévitable, pendant que d’autres examineront plus calmement les conséquences, comme l’a fait récemment le Ministre des affaires étrangères allemand dans une tribune importante à Handelsblatt.
Eviter la division sera l’une de nos tâches les plus centrales. Nous devons y œuvrer sans cesse : l’Europe a trop à y perdre.
L’Europe de la défense, c’est l’avenir de notre protection, l’avenir de notre sécurité. Nous avons la chance d’avoir notre destin entre nos mains, profitons-en !
Merci à tous !

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