NT : "La transition numérique , une dématérialisation "hors sol" ?"
par Raphael Danino Perraud
Chercheur associé au
Laboratoire d'économie d'Orléans (LEO) et au
Bureau des Recherches Géologiques et Minières (BRGM)
Doctorant rattaché à l'IRSEM
La place du numérique dans nos sociétés s’est accrue depuis de nombreuses années. Symbole d’une modernité technologique, d’une productivité supérieure et d’un bouleversement sociétal, ce phénomène avait jusqu’ici été plébiscité jusque dans les plus hautes sphères politiques. Cette communion des pensées est pourtant de plus en plus remise en cause. En effet, alors que le numérique et la dématérialisation sont fréquemment mis en avant notamment dans la lutte contre le réchauffement climatique, il semble que cette conviction ait été affirmée un peu rapidement.
De plus en plus d’études signalent deux points auxquels il faudra porter attention. Le premier d’entre eux est la consommation énergétique toujours croissante du numérique, entre augmentation du nombre d’appareils connectés par personnes et augmentation du nombre de données consommées ainsi que leur stockage. Le second point concerne l’intensité matière de la transition numérique, comprendre les matériaux utilisés pour leur fabrication. Pris en considération, les métaux ainsi que l’eau et l’énergie utilisées pour les extraire et les transformer accroissent sensiblement la facture environnementale de ces outils.
De nombreux exemples de l’actualité récente laissent à penser que les problématiques technologiques sont en train de devenir des enjeux de puissance comme c’est le cas de l’ordre exécutif de Donald Trump concernant Huawei. Cette évolution des enjeux est également observable pour les matières premières ou la maîtrise des processus de fabrication est devenue presque plus importante que la matière première elle-même.
Technologie du numérique et consommation énergétique
La part du numérique dans la consommation finale d’énergie (elle-même en augmentation de 1,5 % par an) est passée de 1,9 % à 2,7 % par an entre 2013 et 2017. Elle devrait atteindre 3,3 % en 2020 et 4,5 % en 2025. Dans le même temps, la part du numérique dans les rejets de gaz à effet de serre a augmenté, passant de 2,5 % à 3,7 % par an depuis 2013. Environ 45 % de cette énergie a été utilisée pour la production d’outils connectés (Smartphones, écran TV, ordinateurs…) et 55 % pour leur utilisation (19% pour les data centers, 16 % pour le réseau et 20 % pour les terminaux) (1).
Vendu à 4 milliards d’exemplaire en 2017 (5,5 milliards en 2020) et avec une croissance de 11 % par an (2), le smartphone est le symbole de cette transition numérique très technologique utilisant une combinaison de métaux toujours plus grand et plus complexe. On estime que pour un smartphone de 140 grammes, 700 Mégajoules d’électricité sont nécessaires alors que 85 Gigajoules sont utilisés pour la fabrication d’une voiture de 1400 kilogrammes. Ainsi, il faudrait 80 fois plus d’énergie pour produire un « gramme » de smartphone qu’un « gramme » de voiture (3). Par ailleurs, plusieurs tonnes de terre doivent être excavées pour produire les quelques grammes de métaux qu’il consomme.
L’utilisation des métaux dans les technologies du numérique
Ce sont d’ailleurs les métaux qui vont faire l’objet de notre attention. Alors que seuls quelquesuns d’entre eux étaient nécessaires pour la fabrication d’un moulin à vent, une dizaine étaient utilisés pour la production d’une machine à vapeur, une vingtaine pour une voiture et plus d’une quarantaine pour les objets de la transition énergétique et numérique (Voir image). Cette utilisation croissante et toujours plus complexe nous oblige à en détailler les principales caractéristiques. Ainsi, on peut distinguer :
- les métaux de base utilisés en grande quantité (cuivre, zinc, fer, aluminium et plomb) ;
- les métaux précieux (or, argent, platinoïdes);
- les métaux rares (cobalt, lithium...), ces derniers étant notamment caractérisés par un faible volume de production mais une utilisation primordiale dans l'industrie
Si les grands métaux sont largement utilisés dans les infrastructures, les petits métaux tels que l’indium (écrans plats), les terres rares (disques durs), le tantale (condensateur) le gallium et le germanium (semi-conducteurs) sont utilisés en très petite quantité dans des produits technologiques.
Notes bas de page :
1 Françoise Berthoud, Philippe Bihouix, Pierre Fabre, Daniel Kaplan, Alain Ducasse, Laurent Lefèvre, Alexandre Monnin, Olivier Ridoux, Samuli Vaija, Marc Vautier, Xavier Verne, Maxime Efoui-Hess, Zeynep Kahraman, Hugues Ferreboeuf, Lean ICT : pour une sobriété numérique, The Shift Project, Rapport final, octobre 2018, p 6
2 Idem, p 20
3 Idem, p 29
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