Compte-rendu du voyage d'études en Suède et Finlande
Voyage d'études en Suède et en Finlande - 1er au 9 mai 2018
Le bref voyage de la délégation de 10 auditeurs de l’AA-IHEDN dans ces deux pays a été l’occasion de mesurer
- non pas tant le prestige dont y jouit la France sur le plan historique pour avoir donné à ces deux pays un roi : Bernadotte en effet y devenait en 1818 Charles XIV Jean. Aujourd’hui presque « oublié », il a cependant profondément inspiré la politique de neutralité qui se traduit de façon différenciée pour l’un et l’autre,
- mais bien plutôt le vif regain d’intérêt consécutif à l’élection en 2017en France d’un Président jeune, inattendu. Et en apparence très déterminé dans son approche, « l’IEI »(1), d’une Europe de demain, reposant sur « une culture commune », dont ils ont bien l’intention d’être parties prenantes. Pragmatiques, nos interlocuteurs regardent, écoutent et ont donc cherché à obtenir des éclaircissements, autant qu’ils se sont, de bonne grâce, livrés à nos questions.
Ce déplacement a permis de se familiariser, deux ans après notre voyage dans les pays Baltes, avec les défis auxquels Suède et Finlande sont confrontés en matière de défense et de sécurité en raison de leur position géostratégique sur les bords de la Baltique, aux côtés d’un « grand voisin » cherchant à affirmer sa présence et son autorité sur la scène internationale.
Les deux pays, en conservant officiellement leur étiquette de pays « non-alignés » se sont tous deux considérablement rapprochés de l’ouest en s’intégrant de plus en plus dans notre système de sécurité européen (entrée dans l’UE, liens de plus en plus étroits avec les Etats-Unis, l’OTAN et de nombreux Etats-européens, accords bilatéraux Suède-Finlande).
La Suède et la Finlande, l’une et l’autre fières de leur pratique de la démocratie et du consensus qui unit dirigeants et membres de la société, se placent avec les autres pays nordiques en tête des pays où l’on vit heureux.
La Suède
Un pays que l’ambassadeur de France a qualifié de « singulier », et que nous décrirons « distancié ». Géographiquement du fait de son caractère nordique, excentré, et de son appartenance scandinave, du fait aussi de la réserve, du « quant à soi », dont font preuve ses habitants qui contrastent avec une Europe où trouve à s’exprimer haut et fort toute une latinité.
Un pays calme, maîtrisé donc, qui se situe dans une temporalité plutôt lente, mais aussi, semble-t-il, dans l’anticipation et le temps long, et en tout cas dans le respect des lois et des autres. Un pays que l’on dit fait d’individualités, peu spontanées, raisonnables, disciplinées et où on se sent en toute sécurité. Un pays de liberté, tant pour les affaires qu’au plan personnel, où règne la paix sociale et le consensus, plus Rousseauiste que ne l’est la France.
Un pays de bois et d’étendues d’eau, d’habitations à taille humaine et de vie familiale, aux villes constellées de lacs, aux structures décentralisées. Un pays qui commence à ressentir plus sensiblement les effets d’une immigration (notamment dans les banlieues), qui a donné lieu dans un premier temps à une politique généreuse, mais qui trouve aujourd’hui ses limites. Un pays multilingue enfin, plongé dans des situations qu’il a subies et qu’il ne commémore pas, qui a cependant délibérément choisi la continuité de la royauté, et le maintien de sa monnaie, la couronne.
Un pays en conclusion, où l’histoire s’incarne dans un navire-musée, coulé avant même d’avoir navigué en rade de Stockholm, et qui, admirablement reconstitué, attire des foules considérables, ou encore de manière inattendue dans un musée du groupe ABBA aux 30 millions de CD vendus dans le monde entier qui, 25 ans après, projette de remonter en scène.
La Finlande
Les analogies avec la Suède sous la domination de laquelle la Finlande s’est trouvée pendant près de sept siècles sont perceptibles, mais ici la proximité des Samis, connus sous le nom de Lapons parait plus marquée, et nous ne sommes pas en « Scandinavie ». Comme l’existence d’une vraie agriculture avec un parti qui a pris le nom de « vrais Finlandais ». Autant sinon plus encore que les Suédois, les Finlandais sont réservés, respectueux de l’environnement et des règles.
Cette république à régime semi présidentiel (pour certains, parlementaire) qui, après la chute du mur de Berlin, a rapidement demandé son adhésion à l’Union européenne, n’est pas plus que la Suède membre de l’OTAN : elle a jusqu’à présent choisi de s’abstenir de toute alliance militaire, tout en développant une étroite coopération avec l’OTAN et en se réservant la possibilité de demander son adhésion. Mais cela ne doit pas l’empêcher d’entretenir avec son grand voisin russe, dans un rôle de médiation reconnu, un dialogue constant.
La Finlande, qui se considère comme une « île cernée », possède 1.340 km de frontière commune avec la Russie. Elle n’a pas abandonné ses abris nucléaires, et consacre 1,3 % de son PIB à la défense. Les relations ambigües avec la Suède, qui a choisi de se rapprocher de la Norvège, alors même que tout semble exister en Finlande avec son double suédois : langue, enseignement, salles de concert, opéra, sont in fine perceptibles, en tout cas audibles.
Le thème de la menace russe a été constant durant tous nos entretiens dans chacun des deux pays(2), mais cette menace est-elle réelle ?
Si les territoires de la Suède et de la Finlande intéressent les Russes, c’est en tant qu’hinterlands et non pas comme territoire. En effet le contrôle de la Baltique est essentiel pour la Russie. Les routes maritimes commerciales servent le développement économique (notamment industriel) de la région de Saint Pétersbourg (premier port commercial de Russie qui couvre près de 25 % du transit marchand de la Russie). Par ailleurs, les pipelines gaziers (North stream 1 et North stream 2 à venir) sont vitaux pour l’apport de devises d’une Russie dont la croissance est bien en dessous des prévisions gouvernementales.
« Deux pays où il fait bon vivre, nous aura-t-on dit, ici et là ... »
Pour autant une sourde inquiétude y est perceptible. Elle se traduit par quelques initiatives qui, dictées par des diagnostics voisins, peuvent paraître de même nature, mais ce n’est pas le cas. Et quoi qu’il en soit, les réponses à la menace perçue sont-elles adéquates ? Seul l’avenir pourra le dire.
Dans ces contextes quels points forts ?
- L’aspect composite et diversifié d’options, de recours, impliquant de nombreuses puissances ou organisations : UE (dont la nouvelle Initiative Européenne d’Intervention du Président Macron), OTAN (ni la Suède, ni la Finlande n’en sont membres, mais associées dans les exercices et utilisation des procédures OTAN permettant une bonne interopérabilité des forces), Nordique (NORDEFCO), Etats-Unis et Royaume-Uni. Cette multiplicité d’associations et d’accords rendrait compliquée une quelconque agression russe.
- La conscience de la menace et une très bonne connaissance des Russes qu’ils côtoient depuis longtemps : « les Finlandais et les Russes vivent dans la même forêt ». C’est un peu moins vrai pour la population Suédoise qui apparaissait jusqu’à il y a peu moins concernée, mais l’exercice Aurora 17, la remilitarisation de Götland et la distribution récente du manuel sur la conduite à tenir « en cas de catastrophe ou de guerre » sont le signe d’un changement après 200 ans de paix quasi continue.
- L’existence de think tanks de qualité, en Suède (FOI) comme en Finlande (FIIA) que nous avons eu l’occasion de rencontrer, témoigne d’une excellente connaissance des forces russes et des enjeux.
- Enfin à l’anticipation s’ajoute l’agilité dans la réponse à d’éventuelles agressions : un exemple pendant la Guerre d’Hiver le choix d’utilisation souple de skis de fond, ou aujourd’hui de petits engins blindés aujourd’hui qui prouvent une capacité d’adaptation et d’innovation face aux pesanteurs d’une lourde puissance militaire.
Les points faibles sont en particulier liés à la faiblesse du budget militaire en pourcentage du PIB(3) :
- Suède : 3,5% en 1960, 1% en 2016
- Finlande : 1,7% en 1960 1,4% en 2016
En ce qui concerne la Suède, elle a décidé, pour la première fois depuis 20 ans, de l’augmenter : le budget annuel de 49 milliards SEK devrait être abondé de 2,7 milliards par an sur la période 2018 à 2020. Pour ce qui est de la Finlande, le budget de 2,8 milliards € en 2016 devrait être augmenté pour atteindre 2% du PIB en 2020.
L’essentiel résidant dans la cohésion des citoyens, le consensus sur l’esprit de défense et sur les manières de le traduire se maintiendra-t-il ? Ici encore, la question reste ouverte.
En conclusion, nos remerciements vont à Messieurs les ambassadeurs David Cvach et Serge Tomasi qui nous ont, respectivement en Suède et en Finlande, avec leurs collaborateurs accueillis chaleureusement. En particulier, les deux attachés de défense, le Capitaine de vaisseau Fabrice Cohéléach à Stockholm et le Lieutenant-Colonel Jean-Luc Lopez qui, ayant préparé à notre attention des programmes denses et diversifiés, nous ont accompagnés pour chacun des entretiens. Nous avons pu mesurer, à notre meilleur profit, comment ils ont, chacun selon des tempéraments différents, à l’occasion de cette mobilisation dans un emploi du temps chargé, saisi l’occasion de faire passer à nos interlocuteurs attentifs et demandeurs, quelques messages appropriés....
La brièveté de ce voyage a enfin permis quelques aperçus culturels : châteaux, musées (Vasa, Sibelius, musée d’histoire nationale), île de Suomenlinna, traversée en bateau de Stockholm à Turku, trajet par la route de Stockholm à LinKöping pour la visite chez SAAB et de Turku à Helsinki, donnant un éclairage complémentaire.
Hélène MazeranPrésidente de la Commission des Voyages d’études
Notes :
- Initiative européenne d’intervention (« IEI »), mentionnée par le Président E. Macron dans son discours sur le futur de l’Europe à La Sorbonne en septembre 2017. « Visant à développer une culture stratégique partagée ...au début de la prochaine décennie, l’Europe devra être dotée d’une force commune d’intervention, d’un budget de défense commun et d’une doctrine commune pour agir ».
- Cf la dernière mesure prise en Suède concernant la distribution, entre le 28 mai et le 3 juin 2018, à toute la population d’un manuel détaillant les « mesures à prendre en cas de crise ou de guerre » en 13 langues. La Russie n’est pas citée, mais le Directeur général de la sécurité suédoise déclare qu’il est « important de pouvoir se préparer ... Un conflit militaire à proximité affecterait nos importations de marchandises, notamment alimentaires, même s’il ne s’étendait pas à notre territoire ... ». La dernière brochure de ce type a été éditée en 1961 ...
- Les données sur les dépenses militaires du SIPRI sont dérivées de la définition de l'OTAN. Source: Stockholm International Peace Research Institute ( SIPRI ), Yearbook: Armaments, Disarmament and International Security (Rapport annuel : armements, désarmement et sécurité internationale).
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