Compte-rendu du voyage d'études au Mexique
Voyage d'études au Mexique du 19 au 31 janvier 2018
Le programme qui nous a été préparé par la Mission de Défense de l’ambassade de France nous a permis, par sa diversité et sa densité, de saisir quelques unes des facettes de la réalité mexicaine.
Un pays très contrasté
Contrairement à la perception, notamment transmise par les médias français, le Mexique connait un développement économique certain, même s’il n’est pas homogène, en dépit d’une situation sécuritaire difficile. L’économie mexicaine, au 15ème rang mondial, est basée sur trois axes principaux : l’industrie pétrolière (mais les exportations de pétrole brut ne représentent plus qu’un tiers environ du budget de l’Etat – et le Mexique ne raffine pas), le secteur industriel (automobiles, industrie lourde, agro-alimentaire et nouvelles technologies, notamment) et le secteur tertiaire (tourisme…). Environ 500 entreprises françaises y sont implantées, dont les grands groupes dans l’aéronautique, l’industrie pharmaceutique, les équipements de communication. Indice non négligeable de relations bilatérales étroites : le vol Air France quotidien sur Mexico se fait en A 380 depuis 2016.
Nos différents déplacements par la route (plus de 1000 Km) ont permis de constater un écart considérable entre la capitale (ou plutôt certains quartiers de la capitale fédérale) et des villes très modernes, très industrialisées d’une part, et des zones très « traditionnelles » d’autre part. On peut ainsi prendre conscience des différences notables du coût de la vie. Par exemple, un petit déjeuner à l’européenne dans le quartier des ambassades à Polanco coûte 280 pesos, un déjeuner frugal, mais suffisant, sur le marché de Malinalco 40 pesos.
En dehors des grandes villes (et sans doute des zones touristiques qui n’ont pas été visitées lors de ce voyage), on constate la survivance d’un pays agricole où on se déplace encore à cheval éventuellement, où les prix des produits de base semblent peu élevés, et où les inégalités de richesses, dont l’origine pourrait remonter à la colonisation, semblent s’insérer dans un mode de vie accepté.
Les problèmes de sécurité
Si les problèmes de sécurité ont été abordés par nos interlocuteurs avec beaucoup de franchise, il nous a cependant semblé qu’ils surestimaient les résultats de la lutte contre la violence, au regard des chiffres qui sont publiés.
Nous avons souvent entendu un discours très mesuré qui reconnait, certes, une violence liée à la drogue et aux trafics divers, mais que l’on s’empresse de relativiser pour la mettre en parallèle avec la violence ordinaire. La corruption est endémique, elle est condamnée, voire dénoncée, mais ne semble pas vraiment combattue. Généralisée, notamment dans la police et la justice, elle est source d’impunité. Il a été indiqué que 70 à 80% de la population reconnaissait avoir dû payer un « pot de vin ». Cela induit un manque de confiance dans les institutions et dans les partis politiques : ainsi 97% des victimes de crimes et délits ne porteraient pas plainte…. Selon les ONG, le niveau d’insécurité au Mexique serait celui d’un pays en guerre. A noter aussi que le Ministère de la Défense a souhaité assurer la sécurité de notre délégation durant tous nos déplacements.
Et cependant la lutte menée par les gouvernements fédéraux successifs depuis le début des années 2000, si elle n’a pas réglé le problème, ne semble pas non plus soutenue par toutes les composantes de la classe politique. Les controverses au sujet de la loi sur la sécurité intérieure font apparaître les contraintes posées par le système fédéral du pays et amènent à s’interroger sur ce qui fait finalement l’unité du Mexique. Les deux ministères en charge de la « Défense » – Secrétariat à la Défense (terre et air) et Secrétariat à la Marine – jouent sans doute un rôle politique stabilisateur, fédérateur non négligeable. Mais certains s’interrogent sur la compatibilité de cette loi avec la constitution (article 21) affirmant la séparation des pouvoirs et la seule responsabilité du civil pour assurer la sécurité intérieure. Ces dispositions semblent destinées à faire obstacle aux « pronunciamentos » qui ont été fréquents en Amérique latine.
Les relations avec les Etats-Unis, Grand voisin du Nord
Elles ont toujours été ambigües : les Etats-Unis sont un partenaire obligé tant sur le plan commercial que social, mais difficile du fait de l’Histoire et de la politique de la présidence états-unienne actuelle. Sur 55 millions de Latino-Américains aux Etats-Unis, on compte 30 à 35 millions de Mexicains. En 2015, les transferts de devises des migrants mexicains auraient été supérieurs aux revenus du pétrole. Cette interdépendance conduit le Mexique à une politique pragmatique. Le Consulat général US de Monterrey est le premier consulat états-unien par le nombre de visas de travail délivrés chaque année : 500 000. Les Etats-Unis sont certes consommateurs des drogues qui transitent par le Mexique, « entretenant » les trafics, mais ils sont aussi les principaux pourvoyeurs d’armes au Mexique alimentant une violence déjà très forte (on compte 9000 commerces de vente d’armes à la frontière du Texas).
Les migrants qui se rendent illégalement aux Etats-Unis, seraient surtout des ressortissants d’Amérique centrale (Honduras, Guatemala, Salvador) et d’Amérique du sud qui transitent par le Mexique et sont entre les mains des cartels. Le Mexique ne pourra résoudre seul ce problème et une coopération avec les Etats-Unis serait sans doute souhaitable.
La place du Mexique sur la scène internationale
Mexique cherche à accroître aujourd’hui sa visibilité sur le plan international, notamment dans le cadre des organisations multilatérales. Membre fondateur de l’ONU, actif auprès du GATT depuis 1986 et membre de l’OMC dès sa création en 1995, membre de l’OCDE depuis 1994, il est impliqué dans la protection de l’environnement (action conjointe avec la France pour la COP 21). Aujourd’hui, il entend développer sa participation aux opérations de maintien de la paix civiles et militaires et cherche à diversifier ses partenaires. A été évoquée aussi la possibilité d’établir des liens avec l’OTAN (sans prétendre y adhérer).
En conclusion, le développement économique du Mexique semble patent depuis plusieurs années, même si le grand défi reste le partage équitable des richesses. La violence extrême trouve ses racines dans un développement réel, mais qui ne profite pas à tous. Les mois à venir, avec une conjonction de multiples élections, risquent de voir la situation s’aggraver : les élections locales vont être un enjeu pour le contrôle des zones de production et de transit de la drogue.
Au-delà de ces impressions, il faut souligner l’excellent accueil qui nous a été réservé lors de chacune de nos visites. Nos partenaires ont ainsi manifesté leur souhait de maintenir et développer de très bonnes relations avec notre pays, au-delà de celles qu’ils entretiennent déjà avec l’ambassade et la mission de défense. Nous avons été accueillis à l’Université des Amériques à Puebla par un professeur de l’Université UDLAP qui portait la cravate de l’UA-IHEDN (il avait participé à une session SIAL en 2007), et par un Amiral ancien auditeur du CID, aujourd’hui Directeur Adjoint du Centre d’Etudes Supérieures Navales. Il est sans doute important pour notre association de maintenir ses liens lors de visites de Mexicains en France.
Hélène MazeranPrésidente de la Commission des voyages d’études
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